Carnet de voyage
Mexique

... entre l’espèce et les résidents historiques de la zone ?

De tout temps, les créatures marines ont alimenté les légendes humaines. Revenant fourbus de leurs campagnes en mer, pêcheurs et équipages faisaient le récit de leurs épopées horrifiques entre deux pintes de bière. À mesure que l’alcoolémie grimpait, les animaux grandissaient, se faisant monstres gigantesques, face auxquels les marins se mesuraient en héros. Le calamar géant se muait en kraken, le régalec devenait serpent de mer, le lamantin une sirène, les mobulas des diables de mer… Face à ces bêtes mythiques assoiffées de sang, les hommes vaillants luttaient pour leur survie, défendant leurs frêles esquifs durant d’interminables nuits d’encre secouées par la fureur des flots.

Un requin paisible, admiré par les Dieux

Curieusement, bien que relativement commun dans les eaux tropicales, et aisé à repérer depuis la surface, le requin-baleine semble échapper à cette mauvaise réputation. Au Kenya, on l’appelle Papa Shilingi en Swahili, ce qui signifie « requin couvert de pièces ». On raconte en effet que peu après la création de l’animal, Dieu et ses anges en furent si satisfaits qu’ils disposèrent sur son dos des pièces d’or et d’argent. Au Mozambique, un mythe analogue raconte que Dieu, en visite sur la Terre, fit un tour en bateau. Il trouva si beau le requin-baleine passant sous sa coque qu’il dispersa sur son dos la monnaie à l’origine des tâches typiques du plus grand des squales. Tandis que dans de nombreuses régions d’Indonésie, l’observation de l’animal est de bon augure, au point que plusieurs communautés l’estiment sacré, l’Inde lui prête une légende en lien direct avec Bouddha : un bateau, avec à son bord 500 marchands, rencontre un poisson géant avalant les vagues et toutes les formes de vie qu’elles contiennent. La force d’aspiration est telle que le navire est lui aussi emporté dans la gorge du poisson gigantesque. Après avoir prié en vain tous les Dieux de leur connaissance pour qu’ils leur laissent la vie sauve, les marins se tournent vers Bouddha, qu’ils implorent. A l’évocation de ce nom sacré, le poisson se souvient qu’il était un moine dans une vie antérieure, et qu’il s’était engagé à épargner toute forme de vie. Il régurgite les flots et avec eux, les poissons, les marins et le bateau.

Au Mexique, des hypothèses, mais peu de faits documentés

C’est un fait, notre géant débonnaire est inoffensif, y compris dans les légendes humaines du monde entier. Mais qu’en est-il des croyances Maya ? C’est en effet en mer des Caraïbes, dans la péninsule du Yucatán, au Mexique, que l’on observe les plus grands rassemblements de requins-baleines au monde, chaque été. Il est peu probable que les habitants historiques de la zone n’aient pas été témoins de ces spectaculaires congrégations de géants. Pour autant, les faits ne sont quasi pas documentés et seules quelques hypothèses viennent étayer le lien mythologique supposé entre les Mayas et les requins-baleines. À titre de rare exemple, début 2000, les docteurs Bruce Carlson, directeur scientifique du Georgia Aquarium, et Rebecca Stone, curatrice du musée Michael C. Carlos à l’université d’Emory, ont établi un lien entre le chamanisme latino-américain et la zoologie, notamment des requins-baleines, à partir d’une statuette représentant une prêtresse Maya dont le corps aurait été modelé en s’inspirant de l’anatomie des squales. Sur son blog (Le journal d’Arthur sur Wordpress), le globe-trotter Arthur Vernassière s’amuse également à imaginer des similitudes entre la livrée du squale, les bas-reliefs et les dessins arithmétiques des Mayas. Pour autant, confesse l’intéressé, « ce que l’on sait, c’est qu’on ne sait rien ».

Le mystère reste donc entier !