Carnet de voyage
Mer Rouge

De mémoire collective contemporaine, jamais année n’aura été plus frustrante sur le plan du voyage. Cloués dans l’hexagone, nous sommes nombreux à faire contre mauvaise fortune bon coeur cet été, en (re)découvrant la beauté unique des fonds de Méditerranée. Depuis le Parc national des Calanques à l’Estérel, en passant par la mythique réserve varoise de Port-Cros, notre mer domestique a vraiment tout pour plaire. Pas question de la bouder. Seulement voilà. L’appel des eaux chaudes et des mers tropicales se fait de plus en plus pressant… Si proche et si chère aux plongeurs français, la mer Rouge nous invite plus que toute autre à préparer nos sacs, à enfin faire usage de nos passeports. Si, comme nous, vous trépignez d’impatience à l’idée de retrouver l’Egypte, sachez qu’elle n’attend plus que vous pour faire sa rentrée, et déployer ses croisières d’exception sur trois itinéraires de légende : BDE, St John’s et Nord. Sur lequel des trois allez-vous embarquer?

Au Nord, plongée dans l’Histoire

Choisir le circuit de sa croisière est affaire de niveau, et, passé un certain seuil d’autonomie, essentiellement d’affinités. Si votre coeur penche vers l’univers palpitant des épaves, optez sans hésiter pour l’itinéraire Nord, mondialement reconnu pour sa profusion de vestiges subaquatiques. Vedette indétrônable de la destination, le navire britannique SS Thistlegorm a été coulé en octobre 1941 par un bombardement allemand, quelques mois seulement après son lancement, lors de son quatrième voyage. Regorgeant de fret, cette épave donne à voir des tonnes (littéralement) d’équipement datant de la Seconde Guerre mondiale : bottes, motos, munitions, camions et même locomotive ! Dans ce décor hors du commun, suspendue en apesanteur, la faune abonde. C’est là l’autre atout majeur de l’itinéraire Nord : les épaves y forment des récifs artificiels largement colonisés, à l’instar du Thistlegorm ou du Carnatic, qui repose en mer Rouge depuis 1869 ; ou encore du Giannis D, fabuleux habitat pour poissons et coralligène depuis que son équipage l’a accidentellement propulsé sur le récif Shab Abu Nuhas en 1983.

Réputée accessible aux plongeurs relativement peu expérimentés, la croisière Nord permet de faire escale sur de ravissants récifs simples d’accès, où croiser tortues, requin léopard et raies pastenagues est monnaie courante. Régulièrement escorté par les dauphins, l’itinéraire fait aussi des incursions au coeur de réserves naturelles aux beautés enivrantes, à l’instar de Ras Mohamed. Là, on ne manquera en aucun cas le duo de Shark et Yolanda Reef, son tombant abyssal, ses escadrons de nasons, vivaneaux, platax et autres cochers, ses carangues nerveuses, ses napoléons placides et ses bancs de barracudas formant un anneau argenté au-dessus de la cargaison improbable du Yolanda : cuvettes de toilettes et autres équipements de salle de bain.

Au Sud, toutes les couleurs de la mer Rouge

Comparé à cette débauche de curiosités sous-marines abandonnées par l’homme dans les profondeurs bleutées des eaux territoriales égyptiennes, Saint John’s est d’un minimalisme absolu. Ici, à l’extrême Sud de Marsa Alam, non loin du Soudan, la nature règne sans partage sur les récifs vertigineux d’une réserve accessible seulement en croisière. Forcément moins fréquenté par les humains, cet itinéraire est idéal pour qui désire croiser du pélagique en nombre, et notamment des requins pointe blanche, gris, soyeux, Albi marginatus, ou encore longimanus… entre autres, puisque chaque année, des veinards relatent leurs rencontres d’exception, qui avec une raie manta, qui avec un requin baleine. Si Saint John’s fait la part belle aux récifs verticaux éponymes, le circuit n’occulte pas de véritables bonbons affleurant la surface, tout aussi mémorables ; une vaste prairie immergée où pait un dugong ; un labyrinthe de grottes coralliennes percées de rais de lumière fabuleusement photogéniques ; un Dolphin reef, où le snorkeler peut côtoyer une immense colonie de dauphins à long bec, parfaitement sauvages et néanmoins très familiers. Chaque croisière Saint John’s est unique. D’une semaine à l’autre, d’une palanquée à une autre, les interactions sont profondément disparates, tant la surprise est toujours au rendez-vous. Comment décrire, alors, en quelques mots, ce circuit aux charmes si pléthoriques qu’ils en deviennent insaisissables ? En évoquant ses somptueux décors, soulignés par une palette de couleurs d’une richesse inégalée, théâtres de tous les possibles.

Des initiales dorées à l’or fin

Last but not least, l’itinéraire BDE, également connu sous le sobriquet évocateur de Triangle d’Or. Ce circuit, réservé aux plongeurs expérimentés, comporte trois étapes : les îles Brothers, le récif de Daedalus, surmonté de son phare rayé emblématique, et le tombant d’Elphinstone, que l’on ne présente plus ! Chez l’autonome averti, ce trio est évocateur d’immersions aussi magnifiques qu’engagées dans le courant, au milieu de bancs de poissons exubérants, et au côté de requins marteau, renard et longimanus, notamment. Il est également évocateur de la belle Aida, qui s’est échouée sur l’île de Big Brother en 1957 et que le temps a coiffé d’une opulente chevelure d’alcyonaires aux teintes pastel. Non loin, le très impressionnant Numidia, reçoit les visiteurs juché à la verticale sur le récif. Sa coque austère s’enfonce tant et si bien dans les profondeurs que sa poupe se noie dans un bleu d’encre, à quelque 80m. Deux magnifiques épaves - nous pesons nos mots - et plusieurs tombants aussi majestueux que surpeuplés de vie, composent donc cet itinéraire longtemps considéré comme un Graal chez les plongeurs passionnés les plus exigeants. S’il faut le découvrir sans attendre, ou au moins le plonger une fois dans une vie, il en va de même pour les deux précédents. Donc quelles que soient vos envies après plusieurs mois de disette de voyage plongée, partir sur l’une de ces trois croisières avec Dune, c’est l’assurance de ne pas se tromper !